UN OS POUR LES RIENS (2)

Publié le par Guy-Joseph Le Hezo

              Je ne sais pas si c'est un livre, je voudrais que ce fût un cri. (G.Darien, La belle France)





        1. LIVRE PREMIER

Ça a commencé comme ça !





« Je suis pas un con,

je suis un salaud. »





Ça a commencé comme ça !

Ceux qui savent pas ont qu'à se taire. Moi je vais tout déballer, parce qu'il y en marre qu'on raconte n'importe quoi et surtout qu'on me fasse porter le chapeau. On m'a tout mis sur le râble ; pourtant là dedans j'étais pas le caïd mais tout le monde s?est fait sauter la couenne. Moi seul ai pas osé. Alors je prends tout. Parce que j'ai été lâche.


Je crève la honte.


Là récemment, encore dans un vieux Paris-Match, j'ai vu ma gueule, tout en vieux jaune, comme si j'avais été colorisé, après coup. Un vieux film repeint, en chinois, comme un vieux Bruce Lee. Paris-Match, quel foutu canard. La chiure du monde.

Vieux canard : Vieux, tiens voilà un mot moderne  ! Moi qui n'ai que 25 ans. 25 ans et sans espoir. C'est sans doute que d'être sans espoir qui vous fait devenir vieux. Vieux tout à coup, comme si l'instant d'avant t'étais plein, rempli je veux dire, et que l'instant d'après, t'étais comme une loque, vide c'est-à-dire.


Oh ! je sais j?écris mal. Mon vieil instit le Père Pète (quel nom hein dis donc!) disait toujours que je traçais comme un cochon. Que mes lettres ressemblaient à tout sauf à des lettres et que pour me lire, il aurait fallu un traducteur. Pourtant, z'allez pas penser que je suis un con. D'ailleurs au procès, le président a dit : « Ce garçon est rusé ». Il aurait pu dire sournois. Sans doute qu'il pensait sournois et qu?il a dit rusé, comme ça pour faire de l'épate devant les jurés, devant les femmes du jury qu'étaient les plus nombreuses.


D'abord un petit croquis de moi avant d'aller plus loin. Je suis pas grand : un mètre soixante-cinq, on dira, dans une génération faite pour le gigantisme. Tous mes potes à l'école dépassaient allègrement les un mètre quatre-vingt. Moi j'étais le nave, l'pétiot, le zoziau-qui-tète-encore-sa-mère, le nian, qui est le nain à l'envers. Du reste, c'était mon surnom ça, le Nian ou le Niangnian. Car faut dire que je donne l'impression de ne pas être dégourdi. Pas dégourdi du tout. Je suis lympha, un peu. Un cerveau lent qu'il disait au collège d'enseignement technique Alfred-Jarry de Villecloye (on dit Villecloi). Avec un jeu de mot : un cerf-volant ! Ha! Ha! C'est vrai que j'ai parfois des difficultés à faire la jonction. Mais je ne suis pas plus con qu'un autre. Je mets du temps, voilà tout. Je suis encore à A alors que les autres galopent déjà vers le L. Tu me diras : il y en a même beaucoup qui démarrent jamais !


Question physique, c'est pas terrible non plus. J'ai les yeux un peu jaunes dans les coins comme si j'avais attrapé un vilain virus africain. Le Chikung truc là ? J'ai un nez un peu tordu et surtout qui goutte. Je renifle quand je ne mets pas les doigts dedans. « Tu veux le mien, il est plus gros » que disait la mère. Ma mère. Que j'ai toujours appelé la mère ! Pas maman, la mère ! Ça veut pas dire que je l'aimais pas, la mère, mais c'était comme ça. Les appellations, elle, la mère, elle voulait connaître que celles qu'étaient d'origine contrôlée. Pas pochetrone, la mère, mais presque. On avait baptisé le jaja le schrap, mais je ne sais pas de quelle origine ça vient. Arabe sans doute ?


(A suivre)


 




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