UN OS POUR LES RIENS (7)

Publié le par Guy-Joseph Le Hezo

« T'as un petit cul,

Et je l'aurais. »



Le dirlo était une enflure. Je le vis tout de suite. Il ressemblait à un acteur de cinéma ; celui qu'a une gueule de tronche pas possible. Je sais pas comme il s'appelle. Une voix douce filtrée par un triple menton surmonté de triples bajoues. Ça fait six, si ma règle à calcul me joue pas des tours. Une vilaine couenne de poulet pas nourri au maïs. Qu'a un blase d'indien ? Nava quelque chose ! - et qu'utilise des mulets. Un âne qui exploite des mulets, t'as déjà vu ça, mon neveu ? C'est un truc qui passe sur Teuf Teuf number One, la chaîne des couilles molles et des aventures arturiennes.


Lui mon dirlo avait une tête d'enfoiré. Et sans doute une bite flasque et molle. Une chiffe. Une vieille tante. Tout de suite, j'ai su.


J'ai su que j'aurais à me méfier de mon cul. Qu'ici, c'était à qui sauverait ses couilles car saloperie, ici, le dirlo était une tantouse et avait droit de cuissage et de pressurage sur toute la jeunaille de son poulailler.


« Comment vous appelez-vous jeune homme ? »


J'étais sûr qu?il allait dire ça. Le "vous", c'est au début pour endormir la confiance.

Le dirlo prit les faffs que lui tendaient les deux pandores et avant que j'eusse décliné.


« Rabaten ? C'est quoi pour un nom, ça ? »

« C'est basque ! »

« Prénom ? »

« Rudolphe ! »

« Vous vous moquez de moi ?? »

« J'ai l'air ? »


Là, pour le coup le dirlo resta estomaqué mais prit sur lui de ne rien dire tant que les pandores seraient là. Il signa quelques papiers, "la décharge" qu'ils appellent ça dans l'administration, la remise en état du délinquant primaire, du sauvageon comme disait l'Ex-comateux, puis salua les deux militaires aux ordres en les renvoyant comme des mal-propres. « Allez, allez, dégager, vous sentez le rance ! » ou quelque chose d'approchant. Jules et Marcel se touchèrent le képi et refluèrent vers la porte en caoutchouc mousse.


Le dirlo se tourna vers moi :

« Prénom ? »

Je teste évidemment :

« Rudolphe, j'ai déjà dit. »

« C'est votre dernier mot, monsieur Rabaten ? »

« Vouais ! »


Il s'approche : va me massacrer, c'est sûr. Moi en Jésus je présente ma gueule. Il m'en retourne une avec le dos de la main ; un va-t'laver à tuer un boeuf. Le sang me dégouline du pif. J'ai une canine qui aboie puis se fait la malle.


« Prénom ? »

« Rud... c'est marqué sur les papiers »

Il regarde : « Rudolphe ! »? « C'est ma foi vrai ». « Ce sera donc... Gérard parce que j'aime pas Rudolphe  ! D'accord ? »

Je réponds rien car j'ai déjà suffisamment mal à la gueule comme ça.


« Jeune homme qu'il reprend... » Il attend un oui mais i'a rien qui vient « J'aime qu'on me réponde ! Alors ? »

« D'accord. »

Il lève la main.

« Oui ... »

S'approche :

« Oui, monsieur »

« Voilà, c'est quand même tout simple. On peut dialoguer n'est-ce pas ? Je vais vous dire un secret jeune homme pour que nous soyons amis pendant la longue et belle période que vous allez passer ici... »


Je crains le pire.


« J'aime, dit-il, que mes garçons me soient soumis. Vous serez soumis Gérard ? »

Devant ma tronche penaude...

J'incline la tête ; cela s'appelle opiner du chef. J'opine donc du chef. Ça lui suffit pas ; il vient sur moi.

« Vouais, monsieur...pour sûr que j'serais soumis... »


Devant la connerie humaine, faut pas hésiter ; faut baisser le col, sinon t'es foutu.

Il vient quand même à moi et me pince le gras de la joue.


« T'es un bon petit gars, toi ! »


Je sens que je vais dérouiller. J'ai la muqueuse aussi sèche que la face cachée de la lune, l'astre de la nuit veux-je dire. Justement l'autre lune, je la serre tant que je peux. J'ai un vent qui se présente à la porte principale ; j'ai une envie folle de le lâcher avec une jouissance d'enfant gâté. D'abord, le pet fécal ne dit rien parce qu'il est encore dans les souterrains vaseux de mes intestins. Puis je le sens qui pousse, qui se fait gros et dodu. Charnu. Se présente côté jardin déguisé en alizé !

Je continue à me serrer le trou de balle.

Le vent fait des siennes, se grossit d'orages funestes. Du haut de mes boyaux, le dieu qui préside aux choses des évacuations, un certain Augias, tempête plus que de raisons, s'alarmant du fait que je ferme mon trou de balle. Assis sur un étron commack, il vitupère !


« Attends ! » je lui dis en sourdine dans le secret de mon corridor intérieur. Attends que je dis à Augias « J'ai une mission, foutre ventre ! » Mais il n'aime pas :

« Quand ça doit venir faut que ça vienne » aime-t-il à répéter.


Il est lui, maître Augias pour les évacuations sans tambour ni trompette. Pas question de prendre du plaisir à chier. Lui est pour poser son cul sur la bassine de faïence et de tout lâcher dans le trou. Sans en jouir. Sans se tortiller les fesses. Chier droit ! Sans même regarder après dans le trou. Pire qu'un adhérent direct de l'Opus dei ou de la banque Ambrosio !


(A suivre)

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